








Photos © Marc Capelle
Quelques images de la Roumanie de 1990, un an après la chute de Ceausescu et de la dictature. Ma première incursion à l’Est de l’Europe. J’y suis resté trois ans (et trois hivers !).
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Quelques images de la Roumanie de 1990, un an après la chute de Ceausescu et de la dictature. Ma première incursion à l’Est de l’Europe. J’y suis resté trois ans (et trois hivers !).
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La Vijecnica, la Grande Bibliohèque de Sarajevo, détruite en 1992. Photo © Marc Capelle
Bernard Pivot a surpris tout le monde aujourd’hui en annonçant qu’à 84 ans, il quittait l’Académie Goncourt qu’il présidait depuis cinq ans. Il avait aussi fait grand bruit lorsqu’il avait annoncé la fin d’Apostrophes, puis celle de Bouillon de Culture. Voilà un homme qui a l’élégance de savoir s’arrêter. Cessera t-il aussi de tweeter ? Nous verrons bien.
En 2001, j’ai eu la chance de passer quelques jours avec Bernard Pivot et son équipe, venus à Sarajevo pour enregistrer l’avant-dernier numéro de Bouillon de Culture. Bernard Pivot avait décidé d’enregistrer son émission dans les ruines de la Vijecnica, la grande bibliothèque de Sarajevo, détruite en 1992 par les obus des troupes de Ratko Mladic et toujours pas reconstruite à l’époque. Ce plateau très spécial devait réunir Enki Bilal, Hanifa Kapidzic, enseignante à l’Université de Sarajevo, Bernard-Henri Lévy, Jorge Semprun, Predrag Matvejevitch et Yves Michaud, philosophe. « J’ai pensé qu’il serait intéressant de réunir des intellectuels dans une ville symbolique, un lieu symbolique comme cette bibliothèque dévastée pendant la guerre, dans un acte dirigé contre la culture et contre la mémoire des peuples » expliquait Pivot.
Je me souviens d’un Bernard Pivot extrêmement simple et très curieux. Pendant que les équipes de France 2 préparaient le tournage en partenariat avec la télévision de Bosnie-Herzégovine, il faisait le tour de la ville pour en découvrir les moindres détails. Il voulait tout savoir, et surtout tout comprendre. Il demandait à ses interlocuteurs de lui expliquer l’histoire de la ville, de lui raconter la guerre et le siège. Il écoutait très attentivement, prenant parfois quelques notes. Le journaliste Pivot se montrait excellent pédagogue et, avant de s’adresser à son public, il avait besoin de maîtriser son sujet. Cela peut sembler aller de soi, mais combien de bêtises entend t-on ou lit-on chaque jour aujourd’hui dans les médias ? Pivot n’avait pas l’intention de consacrer toute l’émission à la ville de Sarajevo, mais il voulait connaître le contexte pour éviter toute erreur inexcusable. Et, évidemment, le sujet était complexe. Comprendre l’organisation territoriale et politique de la Bosnie-Herzégovine issue des accords de Dayton de 1995 n’était pas une mince affaire et bien des diplomates et journalistes y perdaient souvent leur latin.
A propos de latin, quelle langue parle t-on à Sarajevo ? Le bosniaque ? Non, on parle le bosnien (variante du serbo-croate de l’époque yougoslave). Le terme « bosniaque » désigne les Bosniens d’appartenance musulmane. L’ensemble des citoyens de Bosnie-Herzégovine sont des Bosniens et parlent donc le bosnien. Bernard Pivot avait envie et besoin de savoir ce genre de choses sur le bout des doigts et il mettait dans cet apprentissage toute l’application d’un écolier studieux. Son humilité était une belle leçon pour tout le monde.
Bon vivant, il voulait aussi découvrir les restaurants de la ville et les spécialités locales. Aussi nous allions déjeuner au « To be or not to be : no question », près de la mosquée de Gazi Husrev-bey, ou dîner chez Kibé, tout en haut d’une des collines qui dominent Sarajevo ou plus simplement déguster des bureks dans la vieille ville.
La veille de l’enregistrement (l’émission n’était pas diffusée en direct), il a fallu faire une répétition, en particulier pour régler les éclairages, la prise de son et le positionnement des caméras. Ce fut un vrai bonheur ! En l’absence de Bernard Pivot, nous étions six à jouer le rôle des vrais invités et nous avons ainsi enregistré un faux Bouillon de Culture. Sans gêne, je m’étais attribué le rôle d’Enki Bilal. Le débat fictif entre nous fut évidemment parfaitement ubuesque ! Dans la même journée, nous avons eu droit aussi à l’arrivée de BHL et ce fut beaucoup moins drôle. Alors que les autres invités était présents en ville depuis deux ou trois jours, il avait attendu la dernière minute pour nous rejoindre et, sitôt son jet privé posé sur le tarmac de l’aéroport, caméras et appareils photo l’ont poursuivi dans toute la ville pour des séances de pose plus ou moins improvisées.
Le jour de l’enregistrement, tout était évidemment prêt. Le public, quelque peu trié sur le volet, s’est installé sur les chaises disposées au cœur de la bibliothèque. Bernard Pivot, concentré et aimable, est arrivé avec ses invités. Près de deux heures plus tard, l’avant-dernier numéro de Bouillon de Culture était « dans la boîte ». Il ne nous restait plus qu’à rejoindre la réception offerte par l’ambassadeur de France, Bernard Bajolet.