Archives mensuelles : janvier 2020

La leçon de Benghazi

Avril 2012 – Le vol pour Tripoli au départ de Rome n’est vraiment pas complet. Une fois arrivés, pas le temps de s’aventurer dans la capitale libyenne. Un vol Buraq Airlines nous attend, direction Benghazi. Là, dans un hôtel du centre ville, nous sommes un petit groupe venu prêcher la bonne parole à des journalistes (ou peut-être sont-ils activistes, ou les deux à la fois). « Du journalisme de guerre au journalisme de paix ». C’est le thème du colloque. La guerre, on la sent encore toute proche. Sur la scène, entre deux interventions avec ou sans power point, des rapeurs libyens viennent nous dire leur façon de chanter.

Janvier 2020 – Benghazi est aujourd’hui le fief du maréchal Haftar qui contrôle l’est du pays. Que sont devenus nos rapeurs de 2012 ? Et les journalistes/activistes venus poliment nous écouter ? Le « journalisme de paix », si tant est qu’il existe, n’est en tout cas pas au rendez-vous. De la fragilité de la coopération internationale. Petite leçon d’humilité, pour qui veut bien l’accepter.

A noter : certains organismes, comme CFI, tentent malgré tout de maintenir le contact. Lire cet article : « Le journalisme de Libye… entre profession de crise et crise de la profession« 

Photos © Marc Capelle

Le grand-père interdit

J’avais publié ce billet il y a un moment, puis je l’avais retiré car, pour différentes raisons, je craignais qu’il soit malvenu. Mais réflexion faite, je vous le propose à nouveau, quoique dans une version un peu retouchée.

C’est donc l’histoire d’un grand-père interdit. Une vieille histoire triste, comme on en trouve dans toutes les familles dès que l’on regarde un peu sous le tapis. Je vous en livre un petit aperçu ici, mais j’y reviendrai peut-être un jour plus longuement.

Pendant son enfance, un petit garçon se rend régulièrement chez ses grands-parents paternels qui habitent une petite station balnéaire du Nord, séparée de la commune voisine par le chenal sans charme de l’Aa. Il est content de voir assez souvent ses grands-parents, les seuls qui lui restent car sa grand-mère maternelle est morte quand il était très petit et il n’a pas connu son grand-père maternel. On lui a expliqué que celui-ci avait quitté sa femme et ses enfants à la veille de la Seconde guerre mondiale, que tout le monde l’avait perdu de vue et qu’il était mort.

Bien des années plus tard, devenu adulte, le petit garçon a compris qu’on lui avait menti. Que toute sa famille lui avait menti. Il a fini par apprendre que son grand-père paternel avait certes abandonné sa famille, mais qu’ensuite il s’était engagé dans la Résistance puis avait refait sa vie précisément dans la commune voisine de celle de ses grands-parents paternels. Il avait vécu encore une trentaine d’années après la guerre, si bien qu’il était tout simplement de l’autre côté du chenal quand son petit-fils (qu’il ne connaissait pas) jouait sur la plage, à quelques centaines de mètres. Mais la famille, qui connaissait la vérité, avait décidé de punir ce grand-père indigne et en avait littéralement effacé toutes traces.

Ce grand-père interdit, c’était le mien. Il s’appelait Marcel Lasoen et grâce au numérique j’ai pu lui redonner une existence, au moins virtuelle. Il y a sept ans, dans le cadre du premier festival mondial de « twittérature », j’avais en effet levé un coin du voile en campant ce papy inconnu en personnage de fiction.

Quelques médias s’étaient fait l’écho de ses aventures, comme ici 20 Minutes (Festival de fiction sur Twitter: Comment suivre les Français ?) ou ci-dessous Nord-Eclair. J’étais alors à peu près le seul à savoir qu’il y avait derrière tout cela une part de vérité très personnelle.

Fin provisoire des confidences.

Nord Eclair - M. Lasoen
Nord-Eclair – 30 novembre 2012

Quand je brûlais des cierges

cierge.jpg

L’après-midi, l’église du village de mes grands-parents était vide. Nous entrions discrètement – à cette époque, les années 60, les églises étaient ouvertes en permanence en journée – et nous allions droit au but. « Nous », c’était moi et un garnement de mon âge mais plus déluré que le garçon bien sage que j’étais alors. Le grand jeu consistait à saisir quelques cierges sur le présentoir près du bénitier et de la statue de Sainte-Rita ou de Saint Antoine de Padoue, à les allumer puis à faire tomber la cire brûlante. En coulant, elle formait des petites bulles qui éclataient délicieusement sur le sol. Nous étions bêtement contents de nous et, évidemment, nous recommencions le lendemain et le surlendemain. Nous étions en vacances et il fallait bien trouver quelques occupations un peu plus originales que le sempiternel tour à la plage.

La Petite Chapelle des Marins dans les dunes Années 1960

La plage… De temps en temps, nous nous glissions aussi à l’intérieur de la petite chapelle dédiée aux marins et qui lui faisait face. Nous regardions silencieusement les ex-voto cloués sur les murs. Rien dans ce lieu ne nous inspirait la moindre farce. La mémoire des marins perdus en mer et de leurs familles en deuil imposait le respect aux citadins que nous étions, impressionnés par ce monde inconnu et inquiétant. Parfois, au coin d’une rue, je voyais, à pas menus, arriver mon arrière grand-mère vêtue de noir. Les gens du coin l’appelaient « mémère bigotte », paradoxalement parce qu’elle n’aimait guère fréquenter l’église où je m’amusais en cachette. Elle me faisait peur, alors je changeais de trottoir.

phare

Tribute to Kangaroo Island (Australia)

Photos © Marc Capelle

J’ai la chance de connaître un peu l’Australie, immense et magnifique pays. Aussi, je suis évidemment attristé devant le terrible spectacle des incendies gigantesques qui ravagent le pays, en particulier le sud-est. Je pense aussi que les dirigeants australiens n’ont pas pris la mesure des conséquences du changement climatique, ce qui peut surprendre s’agissant d’un pays qui est à ce point soumis aux lois de la nature. Par ailleurs, les choix en matière énergétique de l’Australie posent question : priorité aux centrales à charbon, destruction de la nature autour des zones minières… Que feront, que décideront les Australiens, après cette séquence catastrophique ?

En guise de modeste hommage à ce pays, je livre ici quelques images de Kangaroo Island prises fin 2011. Cette île superbe, au large d’Adelaide, a également été touchée ces jours-ci par les incendies. J’espère que la végétation reprendra vite le dessus et que, outre les kangourous que l’on y rencontre, l’île restera le refuge des colonies de phoques qui viennent s’y reproduire avant de repartir affronter les eaux de l’océan austral.