« J’ai du mal à lire sur écran, tu comprends…« . « Je n’aime pas du tout lire sur liseuse, désolé… Mais, bon, je vais essayer de faire un effort !« .
J’ai publié ces jours-ci un feuilleton en ligne (sur mon site et sur les rézosocios). Pratiquement personne ne l’a lu et, en guise d’explication, j’ai reçu plusieurs réactions semblables à celles évoquées ci-dessus.
Evidemment, mon histoire est d’une rare qualité et je regrette cette audience très confidentielle. Je plaisante ! Je ne suis que très moyennement satisfait par ce texte écrit rapidement et qui demanderait à être enrichi. Mais je dois dire que cette expérience m’amène à reconsidérer ma position sur les mérites comparés du livre papier par rapport au livre en ligne. Rassurez-vous, je ne vais pas refaire le match : les tiroirs sont pleins d’ études sur le sujet. Juste quelques remarques personnelles donc.
Il m’est arrivé de militer en faveur du développement du livre numérique (je parle bien ici de livre, pas de presse en ligne). Porté par un enthousiasme presque juvénile, j’ai même cru à l’émergence de nouvelles formes de narration rendues possibles par le numérique. L’écriture de fiction allait devenir collaborative et donc la posture de l’auteur, solitaire et intouchable, allait évoluer. Les textes allaient être enrichis de sons, d’images. Le livre allait devenir un objet littéraire, multiforme et évolutif. C’était beau, c’était chic, c’était épatant. J’ai lu des experts qui y croyaient fermement, j’ai participé à des colloques qui devaient nous aider à transformer l’écriture, la publication et la diffusion des oeuvres.
Mais, pschitt… Plus rien. Ou presque rien. Certes, il y a un bien un peu d’innovation ici ou là. Mais les livres à lire sur écran ne sont, dans l’écrasante majorité des cas, que de pâles copies numériques des livres papiers. Et, côté lecteur, lire sur écran reste peu agréable pour beaucoup.
En tant qu’auteur, j’ai cru aussi que le numérique, et la possibilité d’être lu sur écran, me permettrait de gagner une certaine indépendance. M’affranchir du joug d’un éditeur, ne plus dépendre des circuits de distribution de livre. Bref, supprimer tous les obstacles entre moi et le lecteur.
J’ai eu tort.
Certes, il est aujourd’hui techniquement possible pour un auteur de faire cavalier seul. J’ai déjà évoqué ici ou ailleurs, le blog de Nila Kazar qui, avec humour, dévoile beaucoup de choses sur les coulisses de l’édition et sur les options qui s’offrent aux auteurs qui font le choix de l’auto-édition. Je ne dis donc pas que c’est impossible. Je dis simplement que, moi, je n’y crois pas.
J’ai apprécié que mes livres soient, avant d’être publiés, lus, corrigés et validés, par mes éditeurs (Riveneuve, Fauves Editions et Michalon). Je ne me sentais pas capable de décider seul que mes textes étaient publiables.
J’ai apprécié que mes livres (surtout le dernier, « Quand tu iras à Saigon ») aient pu bénéficier d’une bonne couverture médiatique, fruit du travail de ma maison d’édition.
Enfin, je ne peux que me féliciter de voir mes livres disponibles en librairie et de pouvoir y rencontrer des lecteurs, comme dans les salons du livre qui ont bien voulu m’inviter.
Si l’audience de mes livres reste modeste (on reparlera du marché du livre en France un autre jour !), elle est réelle et j’ai bien conscience qu’elle a été rendue possible parce qu’il s’agit de bons vieux livres de papier. Pour espérer être lu avec des livres uniquement disponibles en version numérique, et a fortiori, auto-édités, l’intégralité de l’effort aurait du reposer sur moi. Assurer, chaque semaine, chaque jour, ma promotion, sur les tous canaux disponibles. M’exhiber. Me vendre. Je ne crois pas en avoir l’énergie. Sans doute pas très envie non plus.
Mais, comme je suis plein de contradictions, je continuerai sans doute de temps à autre, à publier des textes (appelons cela des livres) en version numérique, histoire d’observer comment cet univers fonctionne. Des livres de laboratoire en somme.
Bien dit Marc.
Tu n’as pas la tête à faire la pute sur les réseaux sociaux pour te vendre ou faire du buzz.
Et puis il y a toujours cet attachement charnel que l’on peut éprouver pour un livre.
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