Je suis arrivé cet après-midi à Sofia par un vol Balkans Airlines en provenance de Vienne. Le “duty-free” de l’aéroport de Vienne. Un monde à part. Une quinzaine de magasins et toutes les merveilles du monde occidental. Hommes d’affaires entre deux avions, cocottes parfumées entre deux affaires. Tout est mortellement propre. Direction le terminal B. Soudain, tout bascule. Passé le point de contrôle des bagages à main, l’humanité n’est plus la même. Les avions, ici, partent pour Tirana, Istanbul, Sofia… Les hommes d’affaires ont des allures d’hommes de main. Un vieux bonhomme à barbe blanche arbore ses médailles militaires bien haut sur la poitrine. Des femmes portent les foulards décorés de fleurs aux couleurs vives que l’on voit partout dans “l’autre Europe”.
Personne de ce côté-ci de l’aéroport n’a l’air gai. L’aéroport de Vienne est un poste-frontière. Personne ici n’utilise les cabines téléphoniques “à carte de crédit”. Ceux qui ont quelqu’un à appeler fouillent dans leurs poches pour en extirper les derniers schillings. Puis ils parlent dans des langues de l’autre monde.
Sofia, le 7 mars 1996
(Extrait de « Jours tranquilles à l’Est », Editions Riveneuve, 2013)
